Le Dr John Gladstone est un médecin qui vit seul avec ses deux filles, depuis la mort de sa femme des suites de l’Influenza. Décidé à éradiquer la maladie, il s’est lancé à corps perdu dans la recherche, quitte à mettre accidentellement au point une souche mutante du virus. C’est à ce moment-là que le mystérieux Niccolo manque de périr écrasé sous les sabots de l’équipage du Dr Gladstone. Ce dernier comprend rapidement que le jeune rescapé possède une physiologie particulière : il guérit très rapidement et ne peut supporter la lumière du soleil. Décidé à le protéger autant que de faire avancer grâce à lui ses recherches, il parvient à le faire sortir discrètement de l’hôpital et à le ramener chez lui.
Si The Delicate dependency est un roman très régulièrement cité outre-atlantique dans les listes des textes vampiriques qu’il faut avoir lu, il est quasi inconnu chez nous, n’ayant jamais été traduit en français. Il aura ainsi fallu un appel du pied de Jean-Daniel Brèque (traducteur dont on a déjà vu passer ici le travail) pour que la référence attire mon attention. Bien lui en a pris, car rare sont, ces dernières années, les romans sur le sujet qui ont su autant captiver mon attention.
Si l’époque victorienne est une habituée des textes vampiriques depuis le Dracula de Bram Stoker, le roman de Michael Talbot n’a rien à voir avec l’œuvre de l’auteur irlandais. Car c’est bien à la société des vampires qui va se frotter le Dr Gladstone, et pas uniquement à un de ses représentants. L’assise antique des créatures quant à elle à Anne Rice, et à des personnages comme Marius ou Armand (ce qui est également appuyé par le détachement des dites vampires). Sans même parler de l’approche médicale du sujet, dans la lignée des Prédateurs de Whitley Strieber, puis plus tard des Fils des Ténèbres de Dan Simmons. La trame surprend plusieurs fois le lecteur par ses retournements de situation. De même que la psychologie des vampires, beaucoup plus complexe que ce qu’on pourrait croire, et dont les objectifs ne seront réellement révélés qu’à la toute fin du récit.
La plume de l’auteur orchestre avec un brio certain le tout. Si elle trouve son apogée dans la description des mœurs des vampires, elle ne manque pour autant pas de punch quand il s’agit de lancer les protagonistes sur les traces de ces derniers. L’auteur maîtrise également les jeux de faux-semblant. A tel point qu’on en vient à se méfier de tout ce qui apparaît comme simple ou évident au fil du roman (et parfois à juste raison), l’un des twist finaux étant pour le moins inattendu… mais pour autant parfaitement logique.
Les vampires décrits par Michael Talbot sont les Illuminatis. Ce sont des créatures immortelles qui ont besoin de sang pour assurer leur survie. Leur longévité les met en bonne place pour juger de l’opportunité ou pas de laisser (ou pas) aux mains des humains certaines inventions ou découvertes au moment opportun. Pour juger de cela, la société vampirique se repose sur les Hommes Inconnus, un petit groupe de vampires très anciens qui tirent les ficelles dans l’ombre. Les vampires les plus anciens possèdent par ailleurs le don de ressentir les affects de ceux qui les entourent, humains ou non-morts. Pour autant, la lumière du soleil ne leur est pas létale (mais elle les affaiblit assez pour qu’ils s’en protègent), pas plus que les artefacts religieux. Ils possède par contre une forte résistance physique et des sens sur-développés.
Un roman très réussi, qui n’usurpe aucunement sa place d’incontournable sur le sujet. Dommage qu’aucun éditeur français n’ait jugé bon de se pencher sur son cas. Alors que l’auteur est décédé en 1992 ans d’une leucémie, seul son roman The Bog a été à ce jour traduit en français, sous le titre La Tourbière du Diable.