Anthelme est un étudiant pour qui rien d’autre n’a d’importance que les livres dans lesquels il se plaît à s’immerger. Lassé du quotidien, il décide de partir au hasard, et finit par trouver refuge dans une maisonnette perdue au cœur d’une étrange forêt. Le feuillage carmin des arbres qui l’environnent lui inspire le nom de Sylve Rouge, dont il affuble bientôt ce lieu hors du temps, dont il ne sort que pour aller chercher de nouvelles lectures. Jusqu’au jour où, lors d’un périple dans la bibliothèque du village des environs, il tombe sur un ouvrage mystérieux, dont le narrateur semble connaître par cœur les méandres de son ermitage.
Dès les premières pages, difficile de se détacher de l’ambiance onirique et gothique de ce premier roman de Vincent Tassy, dont nous avions déjà parlé en bien avec sa nouvelle « Mademoiselle Edwarda ». Dans une ambiance très différente de sa nouvelle, sadique (mais jouissive) au possible, l’auteur convoque ici les spectres de la défunte maison d’édition Oxymore, dont les connaisseurs retrouveront forcément l’ambiance et le style inimitables. D’autant que le thème de la forêt est fortement présent dans les traductions et productions de l’ancienne maison d’édition de Léa Silhol. On peut notamment penser à la nouvelle « En forêt noire » de Tanith Lee, qui mêlait déjà forêt et vampirisme (le domaine du végétal étant également récurrent dans l’œuvre de Lee).
Apostasie est un vrai plaisir de lecture, un roman qui explore (et tord) le rêve et la réalité, joue avec les repères temporels, ne sombre jamais dans la facilité. L’auteur ne fait pas que reprendre le mythe et ses codes, il les inclut dans une histoire originale (avec un récit enchâssé totalement captivant), et parle de la solitude, de la mort (et de la vie), de l’espoir et du désespoir sans jamais tomber dans la surenchère.
Les vampires de Vincent Tassy, tels qu’il les représente dans Apostasie, possèdent des caractéristiques somme toute assez classiques. Ils ne se déplacent que la nuit, ont besoin de sang pour survivre (même s’il peuvent s’en passer, au risque de ne plus pouvoir réfréner leur soif). Petite originalité, ils transforment leurs futurs pairs en leur mordant la langue. Sachant que certains sont de redoutables sorciers. L’immortalité semble enfin leur peser, et leur santé mentale mise à rude épreuve au fil des siècles. À noter un hommage à quelques titres phares que l’auteur semble avoir pris plaisir à mentionner.
Apostasie tire son épingle du jeu en faisant des vampires un moyen et non une fin, tout en proposant une ambiance que les amateurs des auteurs des années 90 (les francophones comme Léa Silhol ou Charlotte Bousquet, et les anglophones comme Tanith Lee) ne peuvent qu’apprécier. Quant aux autres, un tel concentré de goût (dans le style, les références, etc.) ne peut pas laisser indifférent.