Bertrand est un peintre éternellement fauché, qui vit aux crochets de quelques rares contacts qui supportent sa misanthropie. Car le jeune homme en mal de reconnaissance est avant tout autocentré, persuadé que son style pictural est aussi génial qu’incompris. Progressivement, les événements s’enchaînent pour Bertrand, qui va tout autant se découvrir des envies de sang qu’attirer l’attention d’un mécène venu d’Europe Centrale. Tout cela est-il le fruit de son imagination (et d’une folie qui s’exprime), ou est-il réellement en train de développer des pouvoirs et des pulsions inattendues ? Et pourquoi tout le ramène sans cesse à ce vieux carnet, hérité de son grand-père ?
Après leur nouvelle traduction du Vampyre de Polidori, les Forges de Vulcain croisent une fois encore la route des vampires. Ce cinquième livre de Romain Ternaux est également le troisième pour la maison d’édition, après L’Histoire du Gourou devenu Loser et Spartacus, biographie déjantée du personnage historique. L’auteur, de l’avis de l’éditeur, flirte avec le grotesque et l’absurde, avec une composante relativement trash. De fait, ce n’est pas I Am Vampire qui contredira ces quelques éléments de style, pour qui ne connaît pas encore la prose de l’auteur. Car la geste de Bertrand, artiste solitaire et malsain, se pare rapidement de certains excès. Excès dans la forme, les péripéties s’enchaînant sans réel temps mort, mais aussi dans le fond, la misanthropie du personnage comme l’évolution qu’il subit le conduisant à une débauche de violence qui ne trouvera d’explication que dans la dernière partie de son périple.
Il faut avouer que même si la trame est parfois abracadabrantesque, la plume de Romain Ternaux ne manque pas d’efficacité, portée par une narration à la première personne. Quoi de plus logique quand il s’agit d’accompagner le personnage au cœur de la folie, et ce même s’il n’y a rien en lui pour attiser l’envie de s’identifier. Cela n’empêche pas d’être tiré par l’auteur d’un bout à l’autre du récit, même si le dernier tiers, à partir du moment où Bertrand arrive au château de Barbec, commence à voir la narration s’essouffler.
Pour ce qui est de la mythologie du vampire, Bertrand ressent progressivement une appétence pour le sang. Pour autant, il ne semble pas avoir de problèmes pour se déplacer la journée, même si son rythme habituel de vie le conduit davantage à sortir la nuit. Il développe en parallèle certains pouvoirs spéciaux, comme une force physique décuplée, et une vitesse hors du commun. Et on finira par découvrir que tout cela pourrait bien trouver son origine dans la généalogie du personnage. Niveau métaphorique, il y a également quelque chose de vampirique dans la manière dont Bertrand vit, même avant que ce qui fait de lui un vampire ne fasse surface. Ne vit-il pas aux crochets de Yann ?
Un roman aussi court (160 pages) que rythmé, qui joue avec la figure du vampire et égratigne au passage l’art contemporain, et la mercantilisation dont il fait l’objet. Il y a du style chez Romain Ternaux, et une manière directe de confronter le lecteur avec ce qu’est le personnage. Pour autant, je trouve que l’ensemble finit par s’épuiser, même si le livre tire son épingle du jeu par son côté déjanté.
Romain Ternaux est un jeune romancier français dont les écrits se caractérisent par une grande modernité et un vocabulaire populaire très imaginatif. Après s’être attaqué à Spartacus et à un loser devenu gourou, il s’est penché sur la figure vampirique.
Au travers de l’histoire de Bertrand, jeune peintre incompris donc génial (de son point de vue), nous assistons à une drôle de comédie émargeant clairement dans le burlesque. A la suite de la découverte d’un carnet de croquis ayant appartenu à son arrière-grand-père, et de différents refus au niveau professionnel, Bertrand agresse à coups de dents plusieurs personnes. En compagnie de son ami Yann, un militaire à l’attitude étrange, il va rentrer en contact avec M. Barbec, un mécène dont le château au coeur des Carpathes rappelle certaines histoires à dents longues…
L’écriture de Romain Ternaux ne s’embarrasse d’aucune contrainte : ni de vraisemblance, ni de mesure, ni ne détails. Dans ce -très court- roman, il livre un récit très nerveux, mettant en scène un suceur de sang dont la métamorphose est soumise à ses (sautes d’) humeurs, et dont les pouvoirs (grande force, capacité de grimper sur les murs ou de passer au travers) sont à peine contrebalancés par les effets négatifs de la lumière du jour.
Merci pour cette critique dans la critique ^^