Il est des albums BD qui font résolument plaisir de trouver sur les étals de son libraire. Assurément, cette version de Carmilla par Sofia Terzo, librement adaptée du roman culte de Joseph Sheridan Le Fanu fait partie de ces bonnes surprises. L’histoire, bien que se permettant quelques libertés dans son déroulement, demeure cependant fidèle à l’esprit de l’œuvre originale.
On y retrouve Laura, jeune fille solitaire vivant en compagnie de son père dans un château isolé au cœur d’une forêt de Styrie. Un jour, un carrosse roulant à vive allure croise le chemin de notre châtelaine et l’amène à faire la connaissance de Carmilla, une jeune fille de son âge mais à la santé particulièrement fragile. Ne pouvant apparemment pas continuer son périple en compagnie de sa mère qui doit poursuivre obligatoirement son voyage dans l’urgence la plus absolue, cette dernière se voit confier au soin de Laura et de son père qui acceptent volontiers de s’occuper d’elle le temps qu’il faudra. C’est ainsi que les deux jeunes personnes vont apprendre à se connaître et à faire plus intimement connaissance. Intriguée tout d’abord par le visage de Carmilla qui lui en rappelle un autre vu dans un cauchemar durant son enfance, Laura va s’éprendre peu à peu de son énigmatique invitée, se sentir inéluctablement attirée vers sa personnalité si contrastée, faite tantôt d’ombre tantôt de lumière. Au fil du temps, une tendre et discrète passion va naître entre les deux nouvelles amies, passion qui ne tardera pas à s’accompagner pour Laura des prémices d’un mal étrange. Et tous ces mystères entourant la langoureuse Carmilla… Quelle est l’origine du curieux rythme de vie qui est le sien ? Pourquoi le vieux portrait restauré de Mircalla, comtesse de Karnstein lui ressemble-t-il tant ? Et puis, comment fait-elle certaines nuits pour s’éclipser ainsi de sa chambre ? Autant de questions qui trouveront leur réponse lors du dénouement final qui verra le général baron Spieldorf affronter le vampire ayant causé la mort de sa chère fille.
Il était difficile de retranscrire à la perfection l’ambiance gothique si particulière et tout en finesse du roman de Le Fanu. Sans parvenir à égaler toute la beauté émanant du texte original, il faut néanmoins reconnaître que Sofia Terzo, de par son style au dessin épuré, proche de celui de Manara et donnant une atmosphère tout en contraste, parvient tout de même à s’acquitter avec un talent certain de la tâche qui est sienne. On retrouve parfaitement l’essentiel de la trame principale du récit, une bonne partie des dialogues ainsi que les scènes les plus poignantes dans une fidélité des plus appréciables. Seule ombre à cette adaptation, l’introduction de personnages secondaires tels que « la Grecque » ou du mystérieux « Cornélius » qui sont censés apporter des explications quant aux origines vampiriques de la jeune comtesse Mircalla mais qui en réalité ne font que parasiter inutilement le fil de l’intrigue. Plus grave, cela se traduit par l’ajout de passages érotiques sans intérêt aucun qui nuisent plus à la clarté de l’histoire qu’autre chose. Ainsi, la beauté de certaines scènes se disputent au décalage maladroit dont font preuve quelques autres, notamment l’épisode navrant du charriot passant devant le château qui est d’une bêtise graveleuse des plus mal venue.
Mais ces petits défauts ne sont finalement rien devant cet album d’une qualité trop rare pour être ignoré. Résolument adulte, cette adaptation BD de Carmilla, mis en valeur par un format magnifique et une impression impeccable, apporte un réel complément à l’histoire originelle, donnant ainsi à l’œuvre de Sofia Terzo une âme propre qui se traduit par un grand plaisir de lecture. Il subsiste bel et bien un charme envoûtant au roman intemporel de Le Fanu, il suffit de côtoyer Laura et la belle Carmilla pour s’en rendre compte. Amateur de romantisme gothique, de vampires ou simplement de belles histoires, vous savez ce qu’il vous reste à faire.
Globalement je suis assez d’accord avec ce que tu dis ; cependant je me permettrai deux remarques. Premièrement concernant la qualité parfois déplorable des scans (comme à la page 23 où la planche est pixellisée à force d’agrandissement), qui m’a gâché un peu le début de lecture.
l’autre remarque concerne les passages érotiques, qui pour moi ne sont pas un sacrilège, Sofia Terzi "poussant" un peu (si je puis me permettre cette expression) ce que Le Fanu sous-entendait dans sa nouvelle, à savoir les jeux saphiques de Laura et Carmilla. Quant aux deux passages mettant en scène le chariot et Cornélius, elles ne sont là -à mon sens- que pour montrer les pouvoir de séduction irrésistibles des vampires…
Mais c’est une lecture plaisante, indubitablement.
Cette version de Carmilla m’a beaucoup déplu. Le dessin fait presque "imité" de Milo Manara, sans avoir sa souplesse de trait qui donne véritablement vie aux personnages, et certaines mises en situation des scènes érotiques sont presque plagiées. Plus fondamentalement, je ne vois pas l’intérêt d’autant érotiser le récit, qui perd énormément en nuances et en subtilité par rapport à la nouvelle de Shéridan le Fanu.