La nuit du Démon paru aux éditions Eclipse, est un roman de fantaisie urbaine pur jus. Ce 1er tome de la série Cal Leandros n’est pas avare en matière d’originalités. D’abord, le point essentiel à retenir : Rob Thurman introduit ses lecteurs dans un univers occupé par une faune de créatures fantastiques qui prospèrent au nez et à la barbe des humains, ces derniers ne se doutant pas de leur présence. L’auteure (oui, Rob Thurman est une dame) possède un style narratif qui se démarque de certaines proses disons plus légères dans ce registre. La plume qui est sienne se veut d’une grande richesse, parfois même étonnamment soutenu pour le genre dans lequel s’inscrit l’œuvre. Cette qualité littéraire ne dénature pas pour autant son fun ainsi que son ouverture à un large public. Au contraire, elle contribue à insuffler un cachet significatif au roman.
Si le style de l’auteure officie en tant que bonne surprise, l’histoire en elle-même et les thèmes qu’elle aborde sont loin d’être à la traîne. Non sans un humour incisif, on suit le combat de deux frères qui tentent d’échapper à des êtres qu’ils nomment « Grendels ». Il s’agit en fait d’Auphes, des elfes corrompus qui destinent le jeune Cal, un hybride entre une humaine et un représentant de leur race, à quelques sombres desseins. En fuite perpétuelle, jamais en sûreté, la relation des frères Leandros se voit consolidée par un lien affectif très puissant. Toujours prêt à abandonner leur quotidien précaire pour brouiller les pistes de leurs ennemis, ils veillent l’un sur l’autre en essayant de subvenir à leurs besoins le plus normalement possible.
La nuit du Démon met en exergue la fraternité que partagent Cal avec Niko, son frère aîné. Ce dernier est peut-être le personnage le plus charismatique de l’histoire. Dangereux et protecteur, humain à part entière derrière un masque de froideur, il se révèle expert en arts martiaux et armes blanches. Avançant vers un avenir incertain, il protège son cadet des Auphes. Malgré cette unique présence familiale, Caliban se méfie quant à lui de sa nature démoniaque. Les démentis de son frère n’y faisant rien, il est en effet intimement persuadé d’être un monstre.
Le duo des frères Leandros est donc l’élément central du roman. Leur histoire et la précarité de leur enfance n’est pas sans émouvoir, bien que le récit se garde de sombrer dans des larmoiements excessifs. L’intrigue se déroule pour une fois du point de vu de Cal, à la 1er personne du masculin, donc. Humour, actions sanglantes, rebondissements… D’ailleurs à ce propos, les derniers chapitres réservent un retournement de situation qui tiendra les lecteurs en haleine. Impossible d’en dire davantage sans en révéler plus que nécessaire.
La nuit du Démon ne fait pas réellement la part belle aux vampires dans ce 1er tome. On peut toutefois noter la présence de Promise Nottinger, une buveuse de sang riche et solitaire qui fait parfois appel aux services des frères Leandros en qualité de gardes du corps. Promise s’alimente avec des gélules riches en fer, ce qui l’abstient de boire du sang. Ce régime artificiel a pour conséquence de la priver d’une partie de ses pouvoirs. Une relation entre elle Niko s’ébauche, et elle n’hésitera pas à lui apporter son aide lors d’une situation délicate que l’aîné aura à affronter.
Foisonnant de créatures surnaturelles telles que les garous, trolls, banshees, médiums, etc… le 1er opus de Cal Leandros est une lecture captivante. Le style maîtrisé de l’auteure et le duo des frères Leandros fait honneur à l’UrbanFantasy, se permettant même le luxe d’apporter un peu de fraîcheur au genre.