La mère de Sarah décède subitement. La jeune adolescente peine à accepter la situation, son père lui ayant qui plus est refusé un dernier regard au corps. Son petit frère, Aaron, ne comprend pas ce qui arrive, d’autant qu’on lui dissimule la réalité de ce qui s’est passé. Sarah fait la connaissance de Samuel, un vieil homme qui réside seul dans son quartier. Les enfants des environs voient en ses mœurs nocturnes la preuve qu’il est un vampire. Pour autant, aucune des armes censées repousser les créatures de la nuit ne semble avoir d’effet sur lui. Sarah découvre par accident un journal en possession de Samuel, qui lui révèle la réalité sur sa condition. Elle décide d’exploiter celle-ci afin d’offrir l’immortalité aux membres restants de sa famille.
Live Forever est un webtoon signé Raúl Treviño, un dessinateur mexicain vivant au Japon. En France, la série arrive par l’entremise de la maison d’édition Kotoon, une entité appartenant à Editis. L’auteur a déjà une belle carrière derrière lui, ayant œuvré pour Marvel (Punisher, X-Men…) ou sur certains des titres comics de la licence Star Wars. Live Forever est publié en 2018, plus tardivement dans sa production (et du coup, webtoon oblige, en dehors du circuit de traditionnel).
Plusieurs trames finissent par se mêler au fil de ce premier tome. Si la mort de la mère de Sarah est le point de départ de l’histoire, cet arc s’entrecroise à celui de Samuel, et à ceux d’Oliver et Lilas. L’obsession de Sarah à vouloir rendre éternels ceux qu’elle aime est au premier plan. Pour autant, la menace représentée par les Nigrum qui infectent les sous-sols du quartier a déjà commencé de faire son œuvre. Au cœur de la trame, c’est néanmoins bien l’impossibilité de la jeune femme à faire son deuil qui domine dans le récit, et par rebond le fardeau de l’immortalité. À quoi beau vivre s’il faut mourir ? Pourquoi ne pas prolonger indéfiniment son existence s’il y a une solution ? Mais l’immortalité, dans le cas du vampire, ne vient pas seule : il y a un prix à payer.
En règle générale avec les webtoon, je trouve que le passage au papier pêche au niveau du rythme. On ne tourne pas les pages d’un livre comme on scrolle sur un site web. Raúl Treviño a néanmoins une carrière d’illustrateur plus traditionnelle que la plupart des auteurs qui ont recours à ce format. À ce titre il parvient relativement à concilier les deux approches. Il possède un trait réaliste, même si certains personnages (Samuel) ont un faciès qui leur confère une certaine étrangeté. L’ensemble est en noir et blanc intégral, si ce n’est le sang, où le dessinateur utilise le rouge, qui tranche avec le reste. Une manière de signaler que le sang, c’est la vie, au milieu d’une histoire qui respire la mort et le macabre ?
C’est parce qu’il vit reclus chez lui, et ne semble en sortir que la nuit, que Sarah et ses amis décident de « tester » la réalité du vampire. Ils pénètrent sa maison par effraction, armés de pieux, d’eau bénite et d’ail. Après les avoir capturés, le vieil homme leur démontre — face à un miroir où on voit son reflet — que pas plus l’eau bénite que l’ail n’ont un pouvoir sur lui. Samuel leur prouve enfin qu’il n’a plus aucune dent. Le journal que la jeune femme trouvera quelque temps plus tard, alors qu’elle s’est liée avec l’homme, lui fera reconsidérer cette première confrontation. Il s’avère en effet que Samuel a subi une mutation, qui lui permet de se régénérer. L’absorption de sang semble faire partie du processus, qui paraît transmissible : le vieil homme a contaminé son chat et son poisson rouge.
Raúl Treviño propose un premier opus intriguant pour Live Forever . Il exploite la figure du vampire pour parler de notre rapport au deuil tout en proposant une histoire à la lisière de l’horreur et du fantastique, avec une dimension médicale.
