Le comte de Fahnenberg vient d’hériter de l’importante seigneurie de son frère, dans les montagnes de Carniole. Accompagné de sa fille Franziska, de sa nièce Bertha et de son aide de camp Frank von Kronstein, il traverse la distance qui le sépare du lieu afin d’en prendre possession. Le vent violent qui règne oblige la petite troupe à couper à travers bois pour s’abriter quelque peu. Poursuivis par des loups, ils ne vont avoir d’autres choix que de s’abriter dans les sinistres ruines du château de Klatka.
En faisant des recherches pour sortir leur Petite encyclopédie des vampires (parue dans le même temps aux Editions du Castor Astral), Pierre Moquet et Jacques Petitin tombent par hasard sur l’existence d’une novella de Karl Von Wachsman, « Der Fremde», datée de 1844 et qui semble donc faire partie du lot des publications vampiriques antérieures au Carmilla de Le Fanu et au Dracula de Stoker. Ce n’est certes pas le seul texte du genre (« La Morte amoureuse » de Gautier ou encore La Dame pâle de Dumas ont été publiées à la même époque), mais les auteurs pointent de fortes similitudes entre la novella de Wachsman.
Le récit plonge d’emblée le lecteur dans une ambiance qui emprunte largement aux codes de la littérature gothique : la forêt isolée, les loups, la forteresse en ruine, une sinistre légende… tous les poncifs du genre y sont. Le style est pour autant très daté, et pas foncièrement novateur, ce qui me ferait plus rapprocher cette novella du Polidori (qui ne brille pas par ses qualités stylistiques) que du Le Fanu ou du Stoker, à mon sens bien plus intéressants d’un point du vue littéraire. Reste que l’histoire possède un certain charme, malgré quelques grosses ficelles et une fin somme toute très attendue.
Plusieurs points peuvent s’avérer frappants quand on connaît le roman de Stoker : le vampire est ici d’extraction noble, il possède un pouvoir de séduction quasi magnétique, et commande aux loups, dort dans un cercueil la journée, doit être invité dans un lieu pour pouvoir y pénétrer et préfère se nourrir du sang de jeunes femmes. À la gorge desquelles il laisse comme de bien entendu les traces de sa morsure. Reste que Stoker n’était pas le premier à user de ces éléments (on en retrouve déjà une bonne partie dans le texte de Polidori), et que son roman, même s’il est le plus emblématique des récits sur le vampire, est aussi une synthèse des codes utilisées dans les romans et nouvelles qui l’ont précédé (avec certes quelques apports personnels).
Un texte dont la lecture est intéressante, étant donné qu’il intègre le creuset de la littérature vampirique, mais je trouve pour autant qu’en faire une source d’inspiration du roman de Bram Stoker est un peu expéditif. Si Von Klatka et Dracula partagent plusieurs points communs, on retrouve ces éléments dans la plupart des premiers textes vampiriques en prose de cette époque. L’ensemble n’en est pas moins plaisant, la brièveté du texte en faisant un lecture assez rapide.