Sabina est une sang-mêlé, une métisse. Mi-vampire moitié-mage, elle exerce le seul métier possible pour une paria dans son monde : assassin. Mais la guerre couve entre les vampires et les mages, et Sabina est envoyée pour infiltrer un des deux clans et assassiner son chef. Complots sanglants, secrets de famille, pouvoirs inattendus… n’importe laquelle de ces choses toute seule serait déjà difficile à gérer. Toutes ensemble, elles pourraient bien être fatales à Sabina !
Nouvelle série venant grossir les rangs de la littérature bit-lit, la question de rigueur dans un premier temps est de déterminer si les aventures de Sabina Kane vont apporter un second souffle au genre. Une fois achevée la découverte de ce premier tome, force est de reconnaître que non, hélas. Jaye Wells inaugure une saga prometteuse, vraiment attrayante, mais ce n’est pas par son originalité que brille le roman. Nombreux, en effet, son les archétypes récurrents à ces types d’univers teintés d’Urban Fantasy qui répondent à l’appel : une héroïne dotée d’un caractère entier et volontaire, le hasard des évènements qui l’amène à appréhender les nouveaux pouvoirs qui sommeillent en elle, un cercle d’amis des plus hétéroclite composé de démons, de nymphes ou de mages qui prend forme dans sa vie privée, l’amorce d’une romance truffée d’embûches…
Cela dit, le manque d’audace de l’auteure ne porte pas préjudice à cette nouvelle série, au contraire. Sa plume se révèle efficace en diable, action et intrigues rythmant le récit dans un parfait équilibre. L’avantage avec un titre comme celui-ci est qu’on sait à quoi s’attendre. En terrain connu, le lecteur trouvera immédiatement ses points de repère. On retrouve un zest d’inspiration issu d’horizon divers, tel que la saga cinématographique Underworld (pour le conflit latent entre vampires et mages) et l’ombre d’Anita Blake ou de Rachel Morgan plane sur l’œuvre tout entière.
Cependant, malgré son classicisme bit-lit, Sabina Kane n’est pas un vulgaire ersatz, loin s’en faut. Métisse parvient à s’approprier les codes du genre pour développer une identité propre, avec une ambiance réellement prenante. L’héroïne évolue dans un cadre qui empreinte à la fantasy urbaine ce qu’elle a de meilleure. Les relations entre les différentes factions de créatures ainsi que leurs spécificités ne tombent jamais dans un excès d’excentricités, risque courut par une œuvre de ce type. Si humour et répliques cinglantes sont de mises, le suspens instille une tension dramatique au fil des chapitres sans jamais ralentir son allure. L’histoire débute lorsque Sabina exécute un de ses amis sur la demande des Dominae, se poursuit lorsque la jeune femme tente d’infiltrer la secte du Temple de la Lune, organisation rebelle dirigée par le mystérieux Clovis. Le final prend place avec un affrontement épique se déroulant dans un domaine viticole vampirique des plus malsains.
Le personnage de Sabina Kane est déchiré par le métissage de sa nature : son père était un mage de haute lignée, tandis que sa mère appartenait à l’élite des vampires. Ses parents morts tous les deux, l’enfant a été prise en charge par sa grand-mère Lavinia, un être despotique qui n’a de cesse de rabaisser sa petite-fille pour mieux la manipuler à sa guise. On assiste dans ce premier tome à la prise de conscience de Sabina qui jusqu’alors n’avait eu de cesse de vouloir prouver sa valeur aux yeux de son seul parent. Surtout que sa famille du côté des Mages, dont elle ignore tout, s’est lancée à sa recherche.
Les vampires de la série ont la particularité d’être roux, leur expérience et leur âge influant sur la teinte de leurs chevelures. La lumière diurne les insupporte, et ils ont pour habitude de couper leurs rations de sang avec de l’alcool. La société des Dominae, censée fédérer les non-morts, est dirigée par un trio matriarcal tenu par Perséphone, Tanith et Lavinia. Les vampires, également appelés Lilims, se réclament comme descendants légitimes de Caïn et Lilith. Ils doivent leur soif de sang et leur immortalité à cette dernière, tandis que leurs cheveux roux et la crainte du soleil sont un héritage de Caïn. Oublié l’argent ou l’eau bénite : les vampires sont ici vulnérables aux balles en bois de pommier !
Les Mages, leurs ennemis jurés, sont rassemblés sous un ordre baptisé Ordre d’Hécate et possèdent des pouvoirs magiques convoités par les buveurs de sang. Les deux camps se vouent une haine réciproque et se sont affrontés lors de La Guerre de Sang avant qu’une trêve précaire ne soit instaurée : L’Alliance Noire. Une paix qui tend à voler en éclat à tout moment.
À n’en pas douter, que ce tome sera la clé de voûte pour comprendre la suite à venir. Les révélations capitales et rebondissements abondent lors de la dernière partie du roman, et cette première aventure se termine en laissant nombre de questions en suspens, destinés à se voir éclaircies dans le 2e volet. La galerie de personnages est plaisante, calibrée pour que les protagonistes officient comme faire-valoir de l’héroïne. On retrouve ainsi le démon Giguhl, qui par son exubérance facétieuse, apporte une légèreté bienvenue même dans les moments les plus périlleux. Une ébauche de relation se profile entre le mage Adam Lazarus et Sabina. Les méchants de l’histoire parviennent quant à eux à instiller un indispensable sentiment de menace.
Ce roman accrocheur, de qualité, est prémisse d’une série prometteuse. L’auteure parvient à donner de la consistance à un univers exhaustif, et dote son personnage principal d’une identité fort intéressante. Les dialogues sont funs, dynamiques à souhait, l’ensemble saupoudré d’une sensualité jamais outrancière. Action et intrigues politiques se montrent complémentaires à une ambiance prenante. Cette première aventure de Sabina Kane est assurément la bonne surprise bit-lit de ce début d’année. Les amateurs du genre peuvent foncer, la lecture de Métisse leur est chaudement recommandée !