Le comte de Saint Germain s’est rapidement fait une place dans la haute société française, alors sous le règne de Louis XV. S’attachant les services de sorciers, il parvient à acheter l’Hôtel de Transylvanie incognito. C’est alors qu’il fait la connaissance de Madeleine de Montalia, fille d’un noble qui s’est retiré en province, à la suite de la chasse aux sorcières qui a suivi la disgrâce de Madame de Montespan. Mais les anciens amis de Robert de Montalia, à la tête desquels Saint-Sébastien, convoitent la jeune femme, son père la leur ayant promis par contrat avant sa naissance.
Le Comte de Saint-Germain, Vampire est le premier volet (parmi aujourd’hui plus de trente romans – la série est toujours en cours – et une poignée de nouvelles) que l’autrice américaine Cheslea Quinn Yarbro consacre au personnage (en France seuls trois opus ont été traduits). Sorti en 1978, Hotel Transylvania, A Novel of Forbidden Love, qui est le titre original, se fond donc dans la tendance initiée quelques années auparavant par Anne Rice et Fred Saberhagen. Les vampires ne sont plus des antagonistes violents et maléfiques, mais bien les héros de récits qui montrent que la cruauté humaine n’a rien à envier à celle des buveurs de sang. Saint-Germain, qui permet à la romancière d’intégrer son personnage dans le fil de l’Histoire, n’échappe pas à la règle. D’un côté, Yarbro donne sa vision des mystères qui entourent (encore aujourd’hui) l’existence du comte, de l’autre elle en fait un protagoniste qui n’hésite pas à lutter au péril de sa non-vie pour ceux qu’il a décidé de prendre sous son aile.
L’histoire mêle donc à la fois vie de l’aristocratie française, et intrigues dans lesquelles la place des arts obscurs (alchimie et sorcellerie) est relativement importante. Le pacte est ainsi un des ressorts centraux du roman, que ce soit dans les sacrifices que Saint-Sébastien et sa clique vouent à Satan plusieurs fois l’an, ou dans le contrat que Montalia père a signé avec eux par le passé, leur donnant tout pouvoir sur sa future descendance. L’un des ciments de l’intrigue est bien évidemment la relation qui se noue progressivement entre Madeleine et le comte, ressort romantique du texte (et fil conducteur d’une partie massive de la saga, sans même parler des spin off consacrés au personnage). Les lecteurs qui ont déjà eu l’occasion de se plonger dans les publications de l’époque ne seront pas surpris du côté très sexuel de l’ensemble (notamment à travers la mise en scène des pratiques du Cercle), ce qui vaut à ce premier tome d’être rapproché de certains écrits du Marquis de Sade.
Si on comprend rapidement que Saint-Germain est un vampire, les problématiques associées à son existence ne sont pas centrales dans le récit. On apprend qu’il vit depuis des siècles, par les nombreuses réminiscences de son passé qu’il offre à Madeleine, et qu’il possède certains pouvoirs, comme celui de lire dans les esprits. Il est en outre doté d’une capacité de cicatrisation surnaturelle. Pour se nourrir, il joue la carte de la séduction pour s’attirer les faveurs de jeunes femmes (qu’il protège autant que possible). Il apparaît également que s’il craint la morsure du soleil, il reste capable de la supporter dans un certaine mesure. Enfin, pour assurer sa survie et se régénérer, le recours à la terre de son son natal est crucial, de même que le comte a acquis une expérience dans l’art du pseudonyme (et des identités multiples).
Un premier opus réussi, qui n’a pas à rougir face aux séries de Saberhagen et Rice, auxquels Chelsea Quinn Yarbro succède ici. L’univers particulièrement développé autour du personnage donne réellement envie de s’y immerger, même s’il va falloir pour cela avoir rapidement passer à la VO.