S’étant introduit en tant que troubadour dans le fief de Jehan, Kergan s’abreuve au sang de la femme du seigneur. Quand Jehan découvre ce qui s’est passé, il est déjà trop tard : son épouse a rejoint les ténèbres de la nuit. Jehan sera ainsi le premier de la longue lignée des Rougemont à tenter de mettre un terme aux macabres exactions du vampire sanguinaire. Dans les années 30, Vincent Rougemont, dernier héritier en date, souffre de sérieux troubles du sommeil. Son grand-père lui offre un très ancien coffret qui renferme un antique secret de famille…
Le Prince de la nuit est à mes yeux une série particulière, car c’est à elle que je dois mon intérêt pour la figure du vampire. Premier tome de la saga, « Le Chasseur » plonge le lecteur dans un univers gothique imprégné du cinéma fantastique de la Hammer. Yves Swolfs joue avec les flash-back, et l’on est happé dans ces aller-retour entre le moyen-âge de Jehan et les années 30 de Vincent. Cette structure se répétera sur les albums suivant, mais avec d’autres ancêtres de la famille Rougemont. On retrouve également ici l’influence du cinéma italien, qui rappelle le Durango du même auteur : plans resserrés autour des visages des personnages, mise en scène qui lorgne vers le western et les films d’un Sergio Leone…
De fait, si l’influence du grand écran est manifeste (jusque dans les cadrages), le fil rouge de la série permet au dessinateur et scénariste de s’en départir. Bien plus qu’une figure emblématique du mal, c’est l’idée d’une vengeance à travers les générations qui domine l’œuvre. Une vengeance dont on découvre les racines dans ce premier tome, alors que Vincent Rougemont, dernier héritier en date de la famille, fait appel à la psychanalyse pour percer au jour le mal-être qu’il sent en lui.
La couverture est particulièrement archétypique du mythe du vampire avec le physique aristocratique du personnage et sa prédilection pour les jeunes femmes appétissantes. Le dessin de Swolfs montre dans le même temps l’évolution de celui-ci depuis Durango, même si son trait est parfois un peu hésitant sur certaines cases. Le dessin est assez fin, détaillé et servi par des jeux d’ombrages maîtrisés qui mettent particulièrement en valeur l’approche très cinématographique des planches. Les couleurs de Sophie Swolfs font baigner l’album dans tes tons très ocres quand on se trouve dans le passé, et des teintes plus grisonnantes et bleutées quand on est propulsé dans les années 1930.
Les vampires dépeints dans ce premier album ont toutes les caractéristiques qui ont pu être esquissées depuis le long poème de Goethe, « La fiancée de Corinthe ». Des éléments qui ont, depuis été, repris par des médias aussi variés que la bande dessinée, le cinéma où le théâtre. Pâleur cadavérique, canines acérées, goût immodéré pour le sang, les vampires de Swolfs ont tous les attributs du buveur de sang occidental. Les modus operandi pour détruire les êtres de la nuit sont là encore des classiques : peur des symboles religieux (les hosties), le pieu en plein cœur et la décapitation comme moyen de mise à mort. L’auteur n’apporte donc pas de réelle innovation à la figure du vampire, mais l’ambiance de la série est en soi une très bonne raison d’y jeter un œil. Car on se trouve ici face à une œuvre gothique flamboyante, une histoire de vengeance qui survit par delà l’amour, la mort et les siècles.
Une bonne BD, aux dessins superbes (même si je préfère ceux de Requiem) et à l’histoire prenante. Comme tu le dis si bien, l’ambiance de la série est son point fort car on plonge dedans avec plaisir.
Les 6 tomes passent trop vite.