Van Helsing, Harker et Quincey Morris ont vu Dracula leur échapper. Depuis, le vampire semble avoir fait profil bas. En faisant appel à son réseau d’informateur, Harker apprend qu’un bateau a été mystérieusement confisqué à son capitaine et fait route vers New York avec une cargaison inconnue à son bord. Le trio comprend rapidement que le vampire, échaudé et affaibli par leurs dernières confrontations, a désormais jeté son dévolu sur l’Amérique.
Cette mini-série en trois parties marque ma première confrontation avec Wetta Comics, jeune maison d’édition dont la production fait la part belle au genre horrifique. Et si la qualité de l’objet livre penche plus vers le fanzine de luxe que vers ce que peuvent proposer les mastodontes du genre comme Delcourt ou Urban Comics, le choix de cette série ne manque pas d’intérêt. Les auteurs, plutôt que de ré-adapter pour la énième fois le roman de Stoker, ont en effet choisi de prendre sa suite, après en avoir modifié la fin. Un procédé qui rappelle fortement le Anno Dracula de Kim Newman, même si ici la suite des événements sera toute autre. On y suit en effet les trois survivants de la confrontation avec le vampire sur les traces de ce dernier, qui semble faire route vers la jeune nation américaine, tout juste centenaire.
Le scénariste joue fortement sur cet aspect des choses, opposant la vieille Europe, pétrie de croyances, en opposition à une Amérique plus libre, qui doit encore inventer sa propre mythologie. Mais Dracula, dans ses pérégrinations new-yorkaises, aura tout le loisir de vérifier qu’il est difficile de s’affranchir du carcan que représente humanité , et que même dans un pays neuf, les préjugés mènent la danse.
Graphiquement, on est très éloigné du comics traditionnel. Le dessin de Christos Martinis penche en effet davantage vers la peinture de De Matteis que vers le trait marqué d’un Mignola (pour comparer deux auteurs qui se sont penché sur le thème du vampire). On peut certes reprocher un manque d’homogénéité du dessin, mais on reconnait sans hésitation les protagonistes d’une planche à une autre, et le jeu des couleurs contribuent avec brio à l’ambiance de l’ensemble. Le vampire, sous les traits du dessinateur, tient par ailleurs davantage du Nosferatu de Murnau que du personnage campé par Gary Oldman devant les caméras de Coppola.
Côté mythologie, la présente mini-série respecte au plus près les caractéristiques utilisées par Stoker dans le roman d’origine. Dracula ne se déplace en journée qu’au détriment de ses pouvoirs, et préfère se reposer loin des rayons du soleil. Se nourrir de sang est indispensable pour assurer son existence. Il dispose en outre de pouvoirs hors de commun, comme celui de commander aux animaux comme les rats, d’influencer l’esprit de ses victimes et de se transformer en brume. Mais il craint les symboles religieux, la lumière naturelle et le feu.
Si j’aurai aimé que la série prenne davantage de temps (et en profite pour davantage mettre en scène la découverte des Etats-Unis par Dracula), et si le dessin ne m’a pas convaincu sur l’ensemble de l’album, le parti pris du scénariste rend cet album relativement accrocheur, et les défauts précités n’empêchent pas d’apprécier l’ensemble. L’interview du scénariste, qui enrichit cette intégrale des 3 tomes qui composent le récit, donne également des clés sur les choix narratifs opérés. Mention spéciale, enfin, pour le choix du titre VF. Car si en anglais la mini-série se pare du titre peu original de The Fang, Fred Wetta (qui traduit) a eu la bonne idée d’en appeler à un des premiers ouvrages parus sur le thème du vampire, La Mastication des morts dans leur tombeau de Ranft.