J’ai tenté de ne pas avoir d’a priori positif en me rendant à la représentation du 29 juillet dernier de La Poupée sanglante au théâtre de la Huchette, mais croyez-bien que cela n’a pas été facile.
Outre mon amour des comédies musicales (prouvé ici et ici) et, bien entendu, de la thématique du monstre et du vampire, je voue un culte tout particulier au Fantôme de l’opéra, sûrement l’œuvre la plus connue de Gaston Leroux avec Le Mystère de la chambre jaune.
La Poupée sanglante, quant à elle, semble être une œuvre tombée en désuétude auprès du grand public qui lui préfère aujourd’hui les indémodables enquêtes de Rouletabille. Pourtant adapté en mini-série en 1976 sur Antenne 2 par Marcel Cravenne (le cousin frenchy de Wes ?), ce roman épique reste méconnu.
Ca me semble d’ailleurs assez incompréhensible puisqu’en plus d’être absolument steampunk, cette histoire allie le meilleur de la culture fantastique et dresse un patchwork qui rappelle pêle-mêle Frankenstein, Le Fantôme de l’opéra, Lord Ruthven (nous y reviendrons) ou encore Notre-Dame de Paris (pour le cadre, l’île Saint-Louis, en plein cœur de Paris et l’anti-héros). Les fans du Parfum, de Patrick Süskind, vont également y trouver leur compte.
C’était donc du pain bénit pour Didier Bailly et Eric Chantelauze qui se sont emparés de ce matériau riche et foisonnant pour l’adapter en musique sur la (toute) petite scène de la Huchette.
Accompagnés d’un piano, trois comédiens campent à eux seuls une dizaine de personnages pendant 1h30 et nous racontent l’histoire de l’amour maudit entre le hideux relieur Bénedicte Masson, et sa voisine, la jeune et jolie (mais loin d’être naïve), Christine.
Pardonnez-moi d’arrêter mon résumé ici, mais je pense que pour cette pièce, le spoiler est plus que jamais l’ennemi. Je m’attarderai tout de même sur une intrigue secondaire, qui est celle qui nous intéresse plus particulièrement ici.
En effet, parmi cette myriade de personnages, apparaît un couple (joué par le même comédien, à l’aide d’un stratagème habile) : un marquis et une marquise. Le premier, mâle alpha ultra-violent et très fier de sa lignée, la seconde, faible créature souffreteuse et paranoïaque, persuadée que son mari en veut à sa vie… et à son sang.
Car oui, le thème du vampirisme est central dans cette histoire, même s’il est sous-jacent, métaphorique parfois, et loin d’être premier degrés.
Nos héros vont devoir démêler le vrai du faux, choisir leur camp entre les époux et, au milieu de leurs propres péripéties, assister ce couple détonnant dans leur chute irrémédiable.
Sans être une farce, cette pièce est à majorité comique. On rit énormément. Des situations, des tournures des vers, des trouvailles de mise en scène… il y en a pour tous les goûts, et on ne tombe jamais dans le vulgaire.
Il faut souligner que le texte est impeccablement écrit. Le travail derrière les monologues (et les textes des chansons) est remarquable. Tout n’est pas chanté, c’est important de le préciser, mais l’on retrouve les ficelles qui font le succès des grands musicals du West End et de Broadway (chœurs, thèmes récurrents pour chaque personnage, etc.). Donc si vous êtes allergique, passez votre chemin.
En résumé, je vous conseillerai franchement et vivement de donner sa chance à La Poupée sanglante, car si le vampirisme a un rôle apparemment de second plan, vous ne resterez pas sur votre faim pour autant : le thème du monstre est central. L’immortalité, le panthéon hindou, l’amour au-delà de la mort et le mythe du golem y sont aussi abordés, et ce avec talent, finesse et rythme. Que demander de plus pour se changer les idées lors d’une longue soirée d’été ?
Vous avez jusqu’au 28 août pour vous précipiter au théâtre de la Huchette !
Une comédie musicale de Didier BAILLY et Éric CHANTELAUZE
d’après l’œuvre de Gaston LEROUX
Mise en scène Éric CHANTELAUZE
Avec Charlotte RUBY, Didier BAILLY, Alexandre JEROME et Edouard THIEBAUT
Lumières Laurent BEAL
Chorégraphie Cécile BON
Costumes Julia ALLEGRE
Bande son : Fred FRESSON
Décor Erwan CREFF
Régie Ider AMEKHCHOUN
Du mardi au vendredi à 21h
Le samedi à 16h et 21h