Nous avions relayé la news il y a quelques mois maintenant, c’est donc le dimanche 21 avril 2012 que s’est tenu à Paris, dans les locaux du MOTif, cette manifestation organisée à l’occasion du 100e anniversaire de la mort de Bram Stoker.
Le lieu ne manque pas d’un certain charme, le MOTif ayant l’apparence d’un petit immeuble haussmannien coincé entre deux barres d’immeuble plus récentes. Un endroit qu’affectionneraient sans nul doute les vampires, ces grands nostalgiques. C’est d’ailleurs dans la crypte du lieu (en fait une salle au sous-sol, percée de quelques fenêtres) que se tient la journée. Sur une première table, Alain Sprauel propose aux inscrits la bibliographie de Bram Stoker qu’il a mis sur pied en amont de la journée, ainsi que d’autres bibliographies de son cru (impressionnantes). J’aurai ainsi eu l’occasion de jeter un œil sur une bibliographie consacrée à la Bit-lit qui devrait sortir dans les prochaines semaines. Une seconde table, en angle droit, met en avant les publications des auteurs présents, de Richard D. Nolane à Alain Pozzuoli en passant par Rémi Boyer.
L’ensemble des auditeurs installés, Alain Pozzuoli et Philippe Marlin ouvrent alors la journée. Le parrain de la manifestation nous apprend à cette occasion que la date réelle du décès de Stoker n’est pas le 21 mais le 20. Une erreur qui a fait école depuis (j’ai dû corriger la Wikipedia hier à cet effet). Après avoir rappelé quelques éléments de biographie de l’auteur, notamment liés à sa mort, les deux intervenants laissent la place au premier documentaire, réalisé par Jean-Michel Ropers, consacré à Dublin et à ses écrivains.
Intitulé Les fantômes de Dublin, ce documentaire présente la capitale d’Irlande à travers quatre auteurs qui ont fait sa notoriété, et qui étaient attachés à elle : Bram Stoker, Sheridan le Fanu, Oscar Wilde et William Butler Yeats. D’image en image, on découvre les lieux qui ont inspiré les différents auteurs, ainsi que ceux où ils ont vécu. De quoi réaliser que l’Irlande semble avoir été un terreau propice aux auteurs de l’imaginaire, bercés dès leur enfance par les nombreuses légendes du folklore national. Le tout structuré par une voix off dont le texte est signé par nul autre qu’Alain Pozzuoli. Une bonne entrée en matière, donc.
La diffusion du documentaire terminée, et après quelques mots des deux maîtres d’œuvre de ce dernier, c’est au tour de Richard D. Nolane de monter au créneau. Scénariste de BD bien connu, romancier (on lui doit une bonne partie de la série SF Blade), il a sorti il y a quelques mois Vampires!, aux éditions des Moutons Electriques. De quoi justifier tout à fait sa présence derrière le micro pour parler de l’après Dracula, qu’il s’agisse des films, séries ou romans qui utilisèrent le personnage après la mort de Stoker (et de celle de sa femme, qui gérait les droits du roman d’une main de fer). Si je m’étais déjà penché sur le sujet de l’évolution du vampire depuis Stoker, je n’avais pour autant pas axé mon étude sur les œuvres draculéennes seules, j’ai donc pu compléter quelques connaissances à cette occasion.
Après une petite pause de rigueur, Philippe Marlin prend place devant le public pour aborder le cas Dracula au travers de sa connaissance de la Roumanie, et de son exploration des lieux où les protagonistes du roman se sont déplacés. On suit donc déjà le trajet de Harker jusqu’au château du comte, puis de Varna jusqu’au pied des monts Bargau, le conférencier appuyant son propos sur une série de photos qui démontrent que les gens de l’OdS ont le souci du détail (notamment quand il s’agit de suivre les découvertes culinaires du héros). La seconde partie de cette exploration permet de revenir sur les lieux emblématiques liés au Vlad Tepes historique, et sa place dans l’esprit des Roumains, à mi-chemin entre le héros national et l’attrait touristique (qui rejoint du coup le personnage du roman). Une conférence riche en anecdotes qui m’aura rappelé ma propre expérience.
Dernier intervenant avant le repas, Rémi Boyer, auteur du récent Noces de Sang à Bucarest, nous présente le processus d’écriture de son roman, initié à la demande d’un ami roumain. Peu (voire pas) habitué aux œuvres de fiction, l’auteur n’en donne pas moins envie de se plonger dans son roman, d’autant que les retours que j’ai pu en entendre (certes de gens présents lors de la manifestation) sont positifs.
Après un copieux repas dans un restaurant chinois (rien de vampirique, étant donné que pas un Chiang-Shih n’a daigné faire son apparition), retour au MOTif pour la suite des réjouissances, qui se poursuivent avec le second documentaire du duo Ropers-Pozzuoli. Un documentaire axé cette fois-ci sur Whitby qui propose de nombreux parallèles réussis entre l’exploration de la ville actuelle et les lieux mis en scène dans le roman, tout en montrant à quel point la ville semble fière de cet héritage. L’ensemble est à nouveau structuré autour d’une voix off dont le texte est signé par Alain Pozzuoli, qui joue avec sa connaissance du roman et de l’auteur. Si j’avais apprécié le documentaire vu en début de journée, j’ai néanmoins préféré celui-ci.
L’intervention suivante, signée Marc Madouraud, avait pour objectif de dresser un panorama de la descendance cinématographique de Stoker. Si on peut regretter l’orientation sur le seul Dracula (La Dame au linceul et Le Repaire du ver blanc ayant eu les honneurs -ou pas- d’adaptations sur grand écran), le panorama est assez complet, même si les extraits qui ont servi d’illustration visuelle et sonore font la part belle aux films les plus mainstream (pas d’extrait du Maddin par exemple, ni du Melford, même si j’aurai appris des choses à son sujet). Une présentation effectuée non sans humour qui m’aura notamment permis de me rappeler de l’existence d’un film mettant en scène le duo Christopher Lee – Bernard Menez, adapté d’un roman de Claude Klotz.
La conférence suivante, tenue par Patrice Allart, avait pour objectif de faire le point sur la relation Dracula – Van Helsing, déjà dans l’œuvre originale, puis dans les adaptations et variations ultérieures. Par contre, si l’analyse du sujet avait l’air d’être bien là, le passage à l’oral ne s’est pas fait sans heurts (ou alors mes capacités de compréhension étaient entamé par la digestion), et j’ai eu un certain mal à suivre le fil de l’exposé. Reste, pour être passé plusieurs fois par là, que le passage de l’écrit à l’oral est tout sauf simple, et que si on est peu coutumier du fait, intervenir en public peut entamer une présentation pourtant travaillée. J’espère que la version papier, qui devrait être incluse dans les actes de la journée, saura me permettre d’apprécier le travail de son auteur.
Pour le moins inhabituelle, l’intervention suivante aura apporté un peu de légèreté à la journée. Yves Lignon s’est en effet attelé à retracer au public l’arrivée sur le marché des adaptations de Dracula mettant en scène l’incroyable Christopher Lee. De quoi revenir à une époque où le cinéma de genre était cloisonné à des salles de quartier, snobé par le critique, voire condamné à n’être diffusé que de nombreux mois (voire années) après la sortie officielle. Un témoignage qui m’aura rappelé le travail de Nicolas Stanzick quand il s’attelle à montrer, dans son Dans les griffes de la Hammer, cette époque où le cinéma fantastique était relégué à des salles à la réputation sulfureuse, au même titre que le cinéma érotique.
C’est enfin Jean-Luc Rivera qui prend la parole, pour terminer par une conférence consacrée à l’attitude qu’aurait pu avoir Bram Stoker face à la Bit-lit. Un exposé qui permet par ailleurs à celui qu’on surnomme maintenant Le pape de la Bit-lit de relater l’apparition de ce genre où les vampires ont une place de choix, ses spécificités et les séries emblématiques. Et de conclure sur l’idée que si Stoker n’aurait sans doute pas dénigré la place de la femme dans une série comme Twilight, la manière dont Stephenie Meyer traite ses vampires aurait sans doute eu du mal à passer. Tout comme l’importance de l’indépendance des héroïnes dans les œuvres de Bit-lit plus adultes, d’Anita Blake à La Communauté du sud. Sans oublier de préciser, en guise d’ouverture, que si les auteurs anglophones dominent le marché pour le moment, les auteurs francophones arrivent, à commencer par Rebecca Kean et Marika Gallman.
Alain Pozzuoli et Philippe Marlin, en bons maîtres de cérémonie, reprennent le micro pour conclure la journée, et rappeler les prochains évènements prévus autour du centenaire de la mort de Stoker, qu’il s’agisse de la diffusion radio des dramatiques sur lesquelles le sieur Pozzuoli a travaillé il y a quelques années, sa future bibliographie de Stoker à paraître en mai 2012 aux éditions Pascal Galodé, ou du Salon du vampire, ce pour quoi j’aurai été quelques instants sous le feu des projecteurs.
Au final, une journée riche en rencontres qui aura permis de revenir en compagnie de passionnés sur la descendance littéraire et cinématographique de Bram Stoker et de son Dracula.