Ce soir je suis allé voir la pièce Une Vampire au Soleil, au Théâtre Dunois. C’est une pièce réalisée par un collectif qui s’appelle Le Cri de l’armoire, qui interroge notre regard sur le monde avec des textes et des spectacles depuis 2012. La compagnie érige ses spectacles sur le plateau du Théâtre Dunois, c’est là où ils naissent à chaque fois. La mise en scène est de Marien Tillet, et le texte est co-écrit par Marien Tillet et par Marik Renner. Marik Renner est l’interprète de la vampire et Marien Tillet est le musicien. La scénographie est minimaliste, l’espace et le corps sont centraux, et dans cette pièce le noir prédomine et il y a un jeu de lumières tout en dualité, qui représente la Nuit et le Soleil. La musique live y est très présente, efficace, et très importante dans le déroulement du spectacle. La pièce dure 1 h 15.
C’est un monologue, une femme qui raconte ses souvenirs perdus, flous, serait-elle un vampire, un prédateur, ou une victime, une proie essayant d’oublier l’inoubliable. Derrière elle, un musicien, l’accompagne au court de son récit, la soutient, ou la porte dans sa folie. Guitare acoustique, chant, rythmique un peu blues ou mélodie mélancolique, et quelquefois des échos de sa voix se greffent à la musique, mettant en abysse sa souffrance, sa folie, son désespoir. Sublimé par le son, ce monologue envoutant nous captive, nous émeut, nous fait mal. Il parle de noirceur, de la Nuit, ou de la luminosité de l’enfance, à travers des taches de soleil sur les murs. La comédienne accomplit une performance intense, fulgurante, et physique. Troublante dès les premiers instants, elle saisit le spectateur avec un regard troublant, le fait rire parfois même, l’émeut et ne le laisse plus repartir, et cela jusqu’à la fin. Très actuel dans le propos, le texte très bien écrit interroge sur la violence, sur notre mémoire traumatique.
La figure du vampire est imaginative, une protection, un prétexte pour fuir le réel. Nous le comprenons à demi-mots, au fur et à mesure, mais toujours très subtilement décrit. Son discours s’écaille au fur et à mesure tels des souvenirs racontés par une Vampire très vieille, qui vit depuis trop longtemps. Elle nous décrit la rencontre qui a changé sa vie, qui l’a fait basculer dans la Nuit. Un homme, un homme barrière comme elle le dit. Ses réminiscences enfantines avec ses parents, où revient incessamment une once de violence, flottent avec des taches de lumière, et son amour du Soleil qu’elle a perdu. Le sang est également évoqué, comme une salissure violente, avec du désir, et de la souffrance et aussi une envie de vie extrême. Le texte est parfois très sensuel. Mais la noirceur, et la folie d’une Vampire exténuée, qui ne sait plus, prédomine. Et la fin, tragique, nous émeut jusqu’aux larmes.
Le spectacle se joue jusqu’au 9 mars 2024 au Théâtre Dunois, dans le 13ème à Paris. Je pense qu’il est important d’y aller, car il interroge sur une thématique très actuelle de notre société qui a du mal à bouger : la violence faite aux femmes. Une interrogation légitime, forte, et scénarisée de manière très créative. J’ai beaucoup aimé l’interprétation de la comédienne et du musicien. Ils étaient liés par des fils invisibles et forts. Et ils occupaient l’espace de la scène magnifiquement bien. Le texte était très bien écrit, et il sera apparemment édité prochainement.
