Deuxième journée dans la panade roumaine, commencée dès 7h30 pour aller au rendez-vous fixé par le directeur de la base nautique voisine (voir chapitre précédent). Après quelques rituels de base (rangement des sacs, pliage de tentes), nous partons sans regret du camping où nous avons passé la nuit, bercé par les hurlements des clébards qui habitent les abords du lac, les réponses du chien de la tente d’à côté et les bribes de musique kitsch de la rive d’en face.
Arrivés à la base nautique, nous échangeons quelques mots en français avec un ami d’Adrian, le directeur. Il nous explique que quelqu’un peut nous emmener gratuitement jusqu’à l’île de Snagov, mais que pour rentrer nous devrons trouver l’enfant qui nous conduira en barque de l’autre côté. Un peu surpris par cet échange (on se croirait presque dans Zelda), nous nous laissons mener jusqu’à un bateau à moteur où nous attend la personne qui va nous conduire à l’île.
Là, traversée du lac (longue vu que le lac fait pas moins de 10km de long), très sympa pour commencer la journée. Arrivé en vue du monastère, je prends quelques photos de celui-ci. Heureusement d’ailleurs, car une fois sur place, après que notre « batelier » ait pris congé, nous découvrons sur la porte de la chapelle du monastère que pour photographier et filmer les lieux, il nous en coûtera la bagatelle de 20€. Un gamin d’une quinzaine d’année nous accoste et nous mène jusqu’à son frère jumeau, qui parle quelques mots d’anglais et de français, et nous propose de visiter la chapelle. Ça tombe bien, on est un peu là pour ça en fait.
Une fois entrés dans la chapelle, nous sommes éblouis par l’atmosphère qui se dégage des lieux. Les murs sont un peu fissurés, résultat d’un tremblement de terre, mais pas un n’est recouvert de splendides peintures religieuses. Je suis tout sauf un amateur de décorum religieux, mais là il faut avouer que c’est superbe. Et, devant l’autel, la raison de notre visite ici, la tombe « officielle » de Vlad Țepeș, héros roumain contre l’invasion turque qui inspira Bram Stoker pour son Dracula. Comme nous l’explique notre jeune guide, lorsque la tombe a été ouverte en 1933, seule la coiffe du monarque et son anneau ont été retrouvés. Nous sortons ensuite de la chapelle, et traversons ce qui fut l’une des prisons où Vlad Țepeș enfermait ses opposants, avant de nous abreuver à un très vieux puits où lui-même s’est naguère désaltéré, puis qui prend sa source en dessous du lac. Notre guide nous ramène ensuite à son frère, lequel nous reconduit en barque jusqu’au rivage, où il nous restera a priori quatre kilomètres de marche pour prendre un micro-bus pour Sinaia, notre deuxième étape. Durant le trajet, notre jeune batelier nous montre la résidence de feu Ceaușescu, qui témoigne encore de la démesure du Tyran.
Une fois à quai, nous reprenons notre marche, munis du plan tracé sur un prospectus par notre jeune guide de tout à l’heure. En gros ça semble simple : tout droit jusqu’à un calvaire, puis a gauche jusqu’à la grand-route où se trouve la station. Durant le trajet, nous passons devant la porte de la villa de Ceaușescu, gardée par un soldat armé d’une Kalachnikov. Rassurant… Les minutes, quart d’heure, demi-heure et heure s’égrène et nous commençons à nous demander si nous sommes sur la bonne route. Mais le calvaire qui se profile au loin à tôt fait de nous conforter dans cette idée. Quelques kilomètres plus loin, nous achetons 2 paquets de chips et de bretzels dans une épicerie de fortune, où on nous indique la station de micro-bus. Depuis le calvaire, la route est nettement plus fréquentée, et Dacia et carrioles de paysans nous dépassent à loisir.
Arrivés à la grand-route Bucarest/Brasov, on nous apprend qu’il n’y a en fait pas de micro-bus qui passent par ici. Une solution : le stop. Après cinq minutes d’attente, nous finissons par voir s’arrêter une Ford. Le conducteur nous annonce qu’il va à Brasov mais qu’il peut nous déposer à Sinaia qui est sur la route. Durant le voyage, il nous apprend dans un mix de roumain, d’anglais et de français qu’il travaille pour Colgate. Aux alentours de Ploiești, nous dépassons un supermarché Carrefour (si, si). Et mine de rien, notre chauffeur nous avance de près de soixante kilomètres (il nous en restera une quarantaine pour nous rendre à Brasov). Nous arrivons enfin à Sinaia, après avoir chaleureusement remercié notre pilote de circonstance.
Notre chauffeur du jour parti, nous finissons par trouver un parc où nous dévorons vite nos chips et une partie du paquet de bretzel (bien secs les bretzels). Après avoir jeté un bref coup d’œil sur la suite de notre voyage, nous décidons d’aller jeter un œil à la gare pour nous renseigner sur les horaires et le prix du train pour Brasov, l’étape du lendemain. Peine perdue : aucun horaire ne mentionne le nom des villes desservies (super pratique), et le guichet est ultra bondé. C’est décidé, Brasov ce sera à nouveau en stop que nous nous y rendrons.
En remontant de la gare, nous sommes accostés par une vieille dame qui nous propose une chambre pour 400 00 Lei la nuit. On fait un peu la grimace : on a prévu de camper et dans ce mélange de LEI et de RON, on ne se rend pas encore bien compte du coût des choses. Elle finit par nous proposer 300 000 LEI pour les 2 ensembles. On lui fait cependant comprendre que nous prévoyons de camper, même si elle nous le déconseille fortement à cause des ours qui selon elle errent dans les bois.
Nous repassons par le parc où nous avons mangé et tentons de joindre l’oncle de Fanette, une amie à nous, qui doit nous héberger dans quelques jours à Curtea de Argeș, où il réside avec sa femme. Peine perdue, c’est toujours le répondeur qui nous accueille à l’autre bout du fil. J’appelle donc Fanette en France et lui expose le problème. Quelques minutes après, sa grand-mère nous rappelle et nous dit de réessayer de joindre le tonton. Elle vient de l’avoir au bout du fil et il attend notre appel. On retente donc. Re-répondeur. Je rappelle donc la grand-mère et lui donne nos deux numéros de portables pour que l’oncle nous rappelle directement dessus. 10 minutes plus tard, toujours rien.
Nous décidons de visiter le monastère et le château de Peleș, les deux grands monuments roumains qu’abrite Sinaia. Le monastère est d’aspect extérieur vraiment splendide, mais pour le coup le château nous attire davantage. Arrivé sur les lieux, on apprend que les visites finissent à 15h45. Il est 16h15. Un agent d’accueil nous conseille quand même de visiter le parc du château, qui reste toujours ouvert. La bâtisse est vraiment impressionnante, digne de Sissi Impératrice avec ce côté château bavarois. A la boutique des cartes postales, nous rencontrons 4 français. Nous leur demandons s’ils connaissent un endroit pour camper. Peine perdue, ils ont opté pour l’hébergement en hôtel après avoir galéré quelques jours comme nous. L’agent d’accueil nous informe qu’il est possible de camper derrière un restau situé non loin du parc. C’est très bien mais nous devons redescendre pour tenter de joindre l’oncle de Fanette, car il n’y a pas de cabines près du château, et suspectant un problème lié à nos portables, nous allons tenter ce moyen.
Après moult péripéties liées aux préfixes et indicatifs téléphoniques roumains, nous arrivons enfin à le joindre. On peut rester chez lui de vendredi à mardi. Yeepee ! Pour le coup, on décide de se payer une nuit dans une pension pas trop cher. Une petite vieille nous propose une chambre à 300 000 lei la nuit, douche froide et sans petit déjeuner. Nous la suivons jusque sur les lieux, où la vraie propriétaire (diantre, encore une rabatteuse) nous propose la nuit à 350 000 lei (50 000 pour la commission de la rabatteuse). Après le coup du taxi de la veille, pas moyen de se faire encore ponctionner davantage notre pécule. J’insiste donc sur les 300 000 lei dont nous avait parlé la rabatteuse. Bon gré mal gré, la propriétaire finit par accepter.
Après nous êtres installé dans une chambre très « rustique », nous descendons acheter un peu de nourriture en ville pour le lendemain, et décidons de nous offrir un sandwich dans un snack. Pendant que nous nous restaurons, une charmante jeune femme vient nous poser une question en roumain. Désolé, ma jolie, mais je ne parle pas un traître mot de ta langue ! En remontant chez notre logeuse, nous achetons un épi de maïs grillé et salé, ce qui semble être une spécialité du coin. Et il faut bien avouer que ça passe crème !
Retour dans notre chambre d’une nuit, l’heure est venue de se doucher. L’eau est non seulement froide, mais le douche est hors service. Le lavage se fait donc à l’aide d’une gourde que l’on remplit au fur et à mesure. L’eau est davantage que froide : elle est glaciale, mais difficile de ne pas apprécier après nos péripéties de la veille et du matin. Demain nous tentons de rejoindre Brasov, l’une des plus belles villes du pays. Le stop semble bien parti pour se faire en k-way, si la pluie qui s’est mise à tomber ne cesse pas d’ici là. De fait, on n’est pas mécontent d’avoir laissé de côté nos projets de camping !